« Depuis des siècles, l’Homme s’évertue à vouloir remonter le temps. Sait-il seulement que cet espace est en lui ? »
Je me tiens assise, face à cette fenêtre ouverte sur le monde. La nature est merveilleuse aujourd’hui. Elle m’appelle de ses couleurs flamboyantes, et me fait éprouver la vertigineuse sensation que mon être renferme en fait l’éternité toute entière. Au coeur de cet espace infini, je me sens poussière d’univers, ballotée par un flot d’énergie dont nul ne semble mesurer l’extraordinaire puissance. Un flot d’amour remonte de cette terre qui me connecte à des espaces insoupçonnés… Je sens qu’il ne me faut rien oublier de cet instant si précieux… J’ai 18 ans bientôt, et dans mes veines coule la sève de la grâce éternelle transportant la mémoire des mille vies qu’il m’a fallu déjà traverser pour arriver jusqu’ici…
Depuis toujours je sens poindre en moi une sourde colère, colère qui ne se dit pas ou qui se manifeste dans de terribles éclats lorsqu’elle s’est sentie trop tue… Je crois que tout ce que je perçois du monde, à travers ma chair, mes yeux, mon coeur, mes sens est bien trop immense pour être contenu dans ce corps. Et le verbe qui ne parvient pas à exprimer cet univers, s’anéantit de lui-même dans un étouffement silencieux. Pourtant, j’ai choisi de revenir, je m’y suis engagée, je le sais… Je suis venue au monde avec un dessein bien précis. Lequel ? Pour l’instant je l’ignore… Mais je sais qu’un jour viendra qui éclairera le sens de mon incarnation…
Depuis mon enfance, je fais toujours ce même rêve :
« Je suis dans une immense maison en train de dormir quand tout à coup je me réveille et me rends compte que je suis seule. Je cherche mes parents et je descends les escaliers pour aller jusqu’au garage. Il s’est transformé en grand magasin avec de la foule et un homme tient un guichet à l’entrée. Je m’avance vers lui et lui demande où ils sont. Il me répond : « Ils sont là-haut ». Je monte alors à une échelle qui s’arrête dans le ciel. Lorsque je suis en haut, j’aperçois une prison au loin, flottant dans les airs. Ma famille est enfermée dedans. L’échelle ne me permet pas de les rejoindre… »
Je ne sais pas ce qu’il signifie pour l’instant… Tout ce que je peux dire c’est qu’il vient me délivrer un message que je suis encore trop jeune pour entendre. Je n’y arriverai pas seule… Un jour peut-être ? Les rêves sont mes guides, comme ces messages que je reçois de nulle part et qui me parviennent telles des fulgurances dont je ne sais trop quoi penser… Je n’ai personne à qui en parler : qui pourrait comprendre ce que je vis intérieurement ?
J’ai peur… Peur des autres, des humains, de cette foule qui s’agite en permanence en quête d’un bonheur illusoire que j’ai du mal à comprendre. J’essaie tant bien que mal de m’adapter : j’ai une famille, des amis mais souvent il m’est reproché gentiment mes silences lorsque je me trouve au coeur d’un groupe. Je préfère écouter. Il me semble que dans le silence, je parviens à mieux capter l’essence même de la condition humaine. Dans les livres aussi… Ce n’est pas anodin que tant de livres m’accompagnent depuis l’enfance : ils sont mon refuge, mon territoire, ils me connectent à cet espace sacré que nul ne peut toucher ni atteindre… L’espace intérieur, celui qui vibre de mille vies, mille ressentis tout en pouvant rester caché des regards extérieurs. Il est cet espace de liberté que nul ne peut atteindre, il est mon intimité que personne ne peut profaner. Je suis tout ce qu’ils m’ont permis de vivre, sentir, respirer, découvrir, imaginer, rêver, apprendre, expérimenter…
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